Le ciel qui avait grisonné et le vent qui s’était fait plus cinglant leur avait bien annoncé une tempête, mais la force avec laquelle elle crache et elle souffle a quelque chose de surnaturel dans l’esprit des cinq hommes. Ils se taisent, inquiets, cernés dans leur cabane par un orage d’une rare violence.
– » C’est ce drôle d’oiseau. C’est à cause de lui. «
Ils mâchouillent leurs pipes et se regardent d’un air entendu. Quelques heures plus tôt, ils trouvaient sur l’île un oiseau noir et blanc, assez grand, flanqué de deux moignons d’ailes qui ne lui permettaient pas de s’envoler. Son énorme bec le rendait grotesque aux yeux des cinq compagnons, qui ont bien ri en le capturant.
Maintenant, ils ne rient plus. La bête est enfermée dans une pièce minuscule de la maisonnette, et elle fait un puissant vacarme. Elle crie, se débat, tandis que le bois de la cabane craque et frémit sous la violence de l’orage.
Trois jours. Le vacarme de l’oiseau, le ronflement agressif du vent, la pluie qui s’infiltre partout, pendant trois jours.
– » C’est diabolique, je vous le dis. J’ai jamais vu ça une tempête pareille.
– C’est point l’diable, c’est une sorcière qui s’est cachée sous l’habit d’un oiseau. J’vois pas quoi d’autre pourrait mener un boucan pareil et faire enrager le ciel en même temps. «
Les trois jours ont épuisé les hommes, les ont usés, effrayés, poussés à bout. Convaincus de la culpabilité de l’oiseau, ils l’entraînent dehors dès que le ciel se fait plus clément, et entreprennent son exécution. N’ayant que des bâtons à portée de la main, ils frappent sur la bête à tour de rôle. Elle est vigoureuse, cette bête. Elle mettra plus d’une heure à mourir.
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